Balades ludiques à pied dans Paris

A Montmartre, le Maquis était un espace de liberté qui tentait d’échapper aux promoteurs

En 1860, Montmartre est annexée au nouvel arrondissement de Paris, le 18e. Rapidement les investisseurs y voient de riches opportunités, mais les Montmartrois veillent. La rectification des chemins de terre et sentiers est en marche. D’anciennes rues changent de noms et sont réunies mais elles demeurent le cœur du village.

La destruction du maquis a commencé en 1904.

 De juin 1886 à février 1888, Van Gogh lors de son séjour chez son frère ira se promener du côté de la rue Caulaincourt. Il peint alors la Butte qui n’est pas encore couverte de cabanes et sa végétation. A partir de 1890, le maquis s’affirme et va être dessiné, peint et défendu entre autres par Depaquit, Poulbot, Steinlen, et la famille d’imprimeurs-graveurs Delâtre. Maurice Utrillo l’a également peint.

Delâtre : Le Maquis (Gérard Jouhet)

Le décor environnant du Maquis

A Montmartre en 1910, le tracé de l’avenue Junot

Par décret en 1867, la rue Caulaincourt est ouverte et prendra son nom en 1869. Petit à petit des immeubles vont s’y élever tournés vers la Butte et délimitant, au Nord et à l’Ouest, le Maquis qui s’est formé en cette fin de siècle.

Les femmes venaient travailler dans le Maquis (H. de Marandat)
La place Constantin Pecqueur (H. de Marandat)

La courte rue de l’Abreuvoir débutait rue des Saules, dans le prolongement de la rue Cortot avec à l’angle une bicoque où venait se restaurer, les artistes. Sauvée de la destruction, elle est devenue la Maison Rose.

Elle menait à la Fontaine du Buc ou du But qui avait un débit abondant. A la fois abreuvoir pour les chèvres et chevaux, réservoir et lavoir. L’eau s’écoulait ensuite en ruisseau par la rue de la Fontaine du But, vers Clignancourt. Elle était bordée de Tilleuls qui serviront de bois de chauffage en 1870-1871.

Cette configuration va disparaitre avec la création de la place Constantin-Pecqueur qui réunit une partie de la rue Girardon et de la rue de la Fontaine du But, en 1899. L’abreuvoir a été remblayé et sa pente coupée par des escaliers. 

Au Château des Brouillards, le jardin (H. de Marandat)

Auguste Renoir traversait le Maquis plusieurs fois par jour depuis le Château des Brouillards, 13 rue Girardon (8 allée des Brouillards), pour se rendre à son atelier, rue Tourlaque.

L’immense jardin et ses grands arbres avaient été annexés par les habitants du Maquis.

Son fils Jean Renoir accompagnait sa mère, les lendemains de pluie, à la chasse aux escargots dans le Maquis.

Le Maquis s’appuyait donc à l’Est sur la rue Girardon et au Sud sous la ligne de moulins des Debray, le long de la portion de la rue Lepic qui, du passage Depaquit à la place Jean-Baptiste Clément, longeait une crête sur laquelle se dressaient de nombreux moulins au début du 19e siècle.

L’a-pic de la rue Lepic va être aplani et remplacé par un escalier qui mène à l’avenue Junot (qui aurait pu s’appeler : avenue de la Tempête) percée au cœur du maquis, de 1910 à 1912, du 23 rue Girardon au 66 rue Caulaincourt.

L’avenue Junot et la destruction du Maquis

La maison de Ziem (H. de Marandat)
Les trois moulins de la famille Debray, le Moulin à Poivre, le Blute Fin, le Radet (H. de Marandat)

Arrivé en 1847 à Montmartre, le peintre Félix Ziem (décédé en 1911), y a eu son premier atelier 72, rue de l’Empereur, avant qu’elle ne devienne la rue Lepic. Puis il s’est installé, plus haut à proximité du Moulin de la Galette. Son nouvel atelier dominera le maquis pendant les destructions nécessaires au percement de l’avenue Junot.

 « Tout est maintenant rasé. Les bâtisses en carreaux de plâtre, les cahutes de planches, les cantines, la Feuillée, le bal et beuglant pittoresque…Près de la ferme Debray, la plate-forme où l’an dernier l’on voyait le troisième moulin, le moulin à Poivre, n’est plus que sable et plâtre, » a écrit Olivier Charpentier.

Le Moulin de la Galette, toujours présent au XXIe siècle, réunit le Radet (reconstruit) et le Blute Fin avec sa terrasse d’où on voyait tout Paris.

La ferme Debray après la destruction du Moulin à Poivre pour que passe l’avenue Junot
(H. de Marandat).

Cabanes, taudis et guinguettes étaient installés sous les ailes des moulins qui dominaient encore la Butte au-dessus de la rue Lepic. Chacun délimitait son espace avec des poteaux, s’aménageait une petite cour avec des poules, un jardin pour quelques cultures.

Les enfants, des petits Poulbots qui inspireront l’artiste

Cette terre cultivable au sol argileux a été longtemps non constructible.

Jadis des jeunes filles y conduisaient les troupeaux de chèvres.

Cet espace va attirer les artistes désargentés, les sans-logis de la capitale, des petits artisans.

Des marchands ambulants qui exercent des petits métiers s’y sont installés en famille.

L’espace dit du Maquis s’est alors couvert de baraques en bois fabriquées avec des matériaux récupérés sur les nombreux chantiers de la capitale et au démontage des bâtiments de l’exposition de 1889.

Ses habitants y échappent aux impôts et sont loin de toutes règles d’hygiène et de sécurité.

Le Maquis, ses sentiers et chemins

Sur les chemins de terre qui menaient aux fontaines, couraient et jouaient les enfants qui vont servir de modèles à Poulbot.

Le Maquis survivra jusque dans les années trente

Ses habitants sont fiers d’appartenir à la Commune libre de Montmartre. Les artistes rebelles comme Berlioz, Poulbot, Modigliani, Van Gogh, Maurice Utrillo, Forain y puisent leur inspiration. Certains y habitent. On dit qu’Isadora Duncan venait y faire ses répétitions.

Au coin de la rue des Saules et de la rue Lamarck, une maison dans l’esprit du Maquis s’est spécialisée dans les déménagements…

Quelques cabanes modifiées, consolidées demeurent, tout autour, jusqu’au début des années 1930.

Le dernier habitant du maquis sera le sculpteur Baco Durrio (Francisco Durrio de Madron, décédé en 1940) qui avait cédé son atelier au Bateau Lavoir, à Picasso. Il sera expulsé de son domicile impasse Girardon, en 1939.

Delâtre avait réalisé une gravure de cette impasse qui va disparaître.

Le Musée de Montmartre a ouvert ses portes en 1960. Il raconte depuis l’histoire de la Butte et de ses artistes.

Avec l’ouverture de la place Constantin Pecqueur, la rue Saint Vincent a été modifiée et l’accès au n°40 au cimetière Saint-Vincent (ouvert en 1831) a été déplacé, au 6 rue Lucien Gaulard (ouverte en 1905). La rue menait au cabaret qui deviendra le Lapin à Gill sauvé par Aristide Bruant à l’angle de la rue des Saules, puis elle longeait l’ancien parc de la Belle Gabrielle qui abritera un temps un parc de loisirs, avant que n’y soit plantée de la vigne.

On pouvait y accéder par la rue Cortot qui abritait de nombreux artistes dont le musicien Satie au n°6, et au n°12, le Manoir de Rosimond qui deviendra le Musée de Montmartre.  

Sources de documentation :

-La vie à Montmartre, Georges Montorgueil, illustration de Pierre Vidal (1899)
-A travers Montmartre, Olivier Charpentier, 300 dessins par Henry de Marandat (« Le Croquis » imprimeur, 1913)
-Dictionnaire des peintres de Montmartre, André Roussard (galerie Roussard,  13 rue du Mont-Cenis)
-D’un Montmartre à l’autre, Dominique Chauvat (2006)

-Clap de fin ? Article de Patrick Besson, novembre 2022, à propos du Club Lepic Abbesse Pétanque  (CLAP), anciennement au cœur du Maquis, qui risque de disparaître pour devenir l’espace privatif d’un hôtel.

Merci à Gérard Jouhet, secrétaire de l’association les Amateurs d’estampes, membre de l’association des Amis du Musée de Montmartre mais aussi membre du bureau de l’Association des Amis du musée Daubigny à Auvers-sur-Oise pour ses précieuses informations et ses documents.

Et une vidéo qui raconte Le Maquis :

Commentaires

  • JOSETTE MORRIS
    Comment posted on 2-17-2023 Reply

    GOOD JOB MARIE CHRISTINE EXCELLENT REPORTAGE ON CONNAIT BIEN CE COIN.

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