Le 15 mai 1874, la première exposition des peintres et artistes refusés par l’Académie des beaux-arts pour le salon annuel de peinture en France fermait ses portes.
Le 15 mai 2024, l’Académie de beaux-arts organisait une Nuit de l’impressionnisme sous la Coupole de l’Institut de France fêtant ainsi les 150 ans de cette avant-garde.
L’initiateur et l’animateur de cette soirée d’anniversaire riche en émotions était Adrien Goetz président de l’Académie des beaux-arts pour 2024.
Il nous indiquait qu’à côté des peintres on notait alors la présence des travaux du sculpteur Auguste-Louis-Marie Ottin notamment un buste d’Ingres qui est aujourd’hui à l’Académie.
Ce « moment d’effervescence créatrice » était en résonance avec l’exposition « Paris 1874- Inventer l’impressionnisme », actuellement au musée d’Orsay.
Un succès commenté par les deux commissaires Sylvie Patry et Anne Robbins.
La presse
Une dizaine d’intervenants étaient au rendez-vous, ainsi que des lycéens de l’établissement Evariste Galois (Noisy-le- Grand) pour deux lectures.
La première était l’article de Louis Leroy « L’exposition des Impressionnistes » publié dans le Charivari du 25 avril 1874, cette visite du salon baptisait ainsi ce nouveau courant artistique. Renoir, Monet, Degas, Berthe Morisot, Sisley, Cézanne… l’assumeront en 1877, annonçant la Troisième exposition des peintres impressionnistes (6, rue Le Pelletier lieu trouvé par Caillebotte).
Une seconde lecture réunissait des extraits choisis de la critique du salon par Ernest Duvergier de Hauranne parue dans la Revue des Deux Mondes.
Une peinture de décoration ?
Ainsi donc en 1874, les amis de Félix Tournachon, le célèbre Nadar, membres de la nouvelle Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs, graveurs etc. se retrouvaient, depuis le 15 avril, dès 10h le matin au 32 boulevard des Capucines (Prix d’entrée : 1 franc, catalogue : 50 centimes). Ils étaient réunis autour des toiles, pastels, aquarelles … Ils avaient également accroché, des gravures, dessins, fusains, pointes sèches, eaux-fortes, lithographies et installé des sculptures, marbre, plâtre, terres cuites et de l’émail avec le peintre émailleur et céramiste Alfred Meyer. Ainsi après la lecture du catalogue qui signale un projet de rideaux de théâtre de Léon-Auguste Ottin, on pouvait effectivement à l’époque avoir vu dans leur art un mouvement décoratif ce que nous a démontré Marine Kisiel conservatrice du patrimoine, responsable des collections du XIXe siècle, au Palais Galliera.
Sylvie Carlier, conservatrice des collections du Musée Marmottan Monet (propriété de l’Académie des beaux-arts), a reconstitué pour nous le parcours de l’œuvre de Claude Monet peinte en novembre 1872, une « Vue du Havre » devenue pour l’exposition : « Impression, soleil levant ». Conservée depuis 1940 au Musée Marmottan Monet, 2 rue Boilly, le tableau est actuellement prêté au musée d’Orsay et partira ensuite à la National Gallery de Washington. En 1966, le musée est devenu le légataire universel du peintre, propriétaire de la maison de Giverny et des œuvres restées dans la famille.
Le contexte social et artistique
L’historien Jacques-Olivier Boudon nous avait plongé dans l’univers du Paris de 1874 qui vivait alors les séquelles de la Commune, les ruines du Palais des Tuileries et du Conseil d’État ainsi que la défaite face à l’Allemagne avec 5 millions or qu’il fallait verser. Les lois constitutionnelles de la IIIe République seront adoptées l’année suivante.
L’Académie des beaux-arts ne voulait pas d’eux. Afin de mieux comprendre où allait ses préférences cette année-là, France Lechleiter a commenté « Les envois de Rome de l’année 1874. »
Moment de détente
L’humour était présent avec l’historien Barthélémy Jobert et les « impressionnistes en caricatures », un genre dans lequel excellait Daumier avec ses dessins publiés dans Le Charivari et d’autres journaux.
Moment ludique avec le Quiz préparé par Paul Perrin directeur de la conservation et conservateur des peintures au Musée d’Orsay, notamment de la collection impressionniste.
Et l’environnement ?
L’écologie était au rendez-vous avec Olivier Schuwer.
Historien d’art, il nous a remémoré en préambule l’action de deux jeunes activistes qui ont vandalisé le tableau de Monet : Le printemps, en février à Lyon.
Il rappelait, en point d’interrogation, leur message : « Ce printemps sera le seul qui nous restera si nous ne réagissons pas. Que vont peindre nos futurs artistes ? »
Il a souligné que les berges de la Seine aimées par les peintres était au XIXe siècle le lieu d’implantation des usines. Alors les fumées des cheminées pourraient être à l’origine de cette vision floue qu’ils nous ont transmise par leur peinture.
Ils n’étaient pas encore bien informés de la toxicité des fumées d’usines. Cependant Monet qui était au cœur de cette soirée avait quant à lui choisi Giverny, son refuge, comme alternative au monde industriel et refusait en 1883 l’implantation d’une usine à proximité.
Du Dessin
Catherine Meurisse qui a dessiné l’affiche de la soirée nous a parlé de son Musée d’Orsay, une demande du musée.
Elle a ainsi mis en scène dans son livre Moderne Olympia.
Un affrontement entre les anciens et les moderne à la façon de Roméo et Juliette.
Un ballet contemporain dessiné.
Une sorte de West Side Story, dont les images ont été mises en scène tout spécialement pour l’occasion sur la musique de Léonard Bernstein, un moment magique.
De la Musique
Le secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts, le compositeur Laurent Petitgirard nous avait accueilli chaleureusement et l’académicien, le compositeur et pianiste Michaël Levinas a établi le lien avec les impressionnistes. Les peintres ont leur palette de couleurs, les musiciens les tons, les timbres pour créer leurs œuvres. Leurs modèles sont identiques la nature, avec le thème de l’eau et de la lumière. Le piano impressionniste était donc lui aussi bien présent sous le doigté fluide et expert du pianiste. Il nous a transporté d’un jeu d’eau à l’autre, des « Les jeux d’eau de la Villa d’Este » de Franz Liszt à ceux de Ravel en finissant par trois préludes de Debussy, ultimes reflets, point d’orgue de la soirée.
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