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Les Madelonnettes, un couvent devenu prison de 1793 à 1867

Août 2017, septième chronique sur les prisons parisiennes disparues

Plan de Gomboust positionnant le couvent en 1652 donnant sur la rue des Fontaines; en bleu tracé de la rue de Turbigo.

La courtisane et femme de lettres Ninon de Lenclos (nypl. digital collections)

Nous sommes avec cette nouvelle chronique dans le 3e arrondissement de Paris.

Le couvent des religieuses de l’ordre de Marie-Madeleine, les Madelonnettes ou Magdelonettes a été construit de 1620 à 1637. On le trouve sur le plan de Gomboust datant de 1652. Il a été construit sur une propriété située rue des Fontaines. La plupart de ses bâtiments ont été construits durant cette période. La première chapelle fut inaugurée en 1648.

Les religieuses accueillaient les prostituées, les jeunes filles séduites et placées par leur famille. Devenue, maison de force et maison de correction, elle accueillait également les enfants mineurs. Les durées d’enfermement n’étaient pas définies.

Ainsi en 1656, la femme de lettres et célèbre courtisane Ninon de Lenclos y fit un séjour sur ordre d’Anne d’Autriche qui souhaitait plaire au parti des dévots. Mais ses admirateurs la firent rapidement  libérer.

La maison de force et de correction devient prison

La prison s’inscrirait entre la rue du Vertbois (ancienne rue Neuve-Saint-Laurent), rue Sainte-Elisabeth, rue Volta (ancienne rue de la Croix), rue des Fontaines-du-Temple (ancienne rue des Fontaines) avec une entrée entre le 6 et le 12 de la rue des Fontaines.

Lors de la révolution, en 1790, les jeunes détenus des différentes prisons sont séparés des adultes et dirigés vers Sainte-Pélagie et Les Madelonnettes où jusqu’à cette date des femmes sont enfermées arbitrairement par lettre de cachet.

Vestige d’un mur des Madelonnettes

À la Révolution, transformé en prison, l’établissement accueillit suspects et malfaiteurs ainsi que les femmes qui ne pouvaient pas justifier de leur moyen d’existence.

Celles-ci étaient alors suspectées de vouloir vivre de leurs charmes et risquaient ainsi de corrompre les soldats de la Révolution. Par manque de places (250 prévues) les prisonniers se tasseront dans les couloirs et jusque dans les combles.

-1793-1794, les Madelonnettes sont transformées en prison politique. Elle reçoit les membres de la Montagne, et du Contrat social en attente de jugement. Mais aussi des faussaires qui fabriquent des assignats.

-1795-1830, les Madelonnettes serviront de dépôt pour les femmes sous prévention de délits. Les condamnées pour dettes y seront enfermées et libérées lors des journées de juillet 1830. Tous les dettiers, hommes et femmes, seront réunis dans la maison de Clichy qui sera ouverte de 1834 à 1873.

Décret du 5 Nivôse an X, signé par le premier Consul

-Décembre 1801, le premier consul Bonaparte a signé le décret d’application de la loi qui fait acheter des maisons à proximité des Madelonnettes pour former son chemin de ronde, rue des Fontaines.

-1825, la construction de la Petite Roquette a débuté. On projette d’y accueillir toutes les femmes qui vont être réunies, à partir de 1831, à Saint-Lazare.

-1831, les jeunes détenus de 7 à 21 ans sont à nouveau mis aux Madelonnettes.

-1836, les jeunes détenus partent pour la prison cellulaire de la Petite Roquette qui a été spécialement aménagée pour eux. Les femmes ne seront dirigées vers la Petite Roquette qu’en 1932.

 Les Madelonnettes n’accueillent plus que des hommes

Façade du lycée Turgot, rue de Turbigo, Paris 3e

A noter en 1837, sur une partie des locaux de l’ancien couvent est créée l’école Turgot. Haussmann l’agrandira en 1867.

Sa façade principale donnera sur la nouvelle rue de Turbigo reconnue d’utilité publique dès 1854, celle-ci sera terminée en 1866-1867. L’école agrandie, est devenue un lycée qui conserve sa cour initiale à colonnes, côté rue Vertbois.

La prison accueillait voleurs et repris de justice.

-1858, une étude publiée par le médecin chef de l’établissement, le Dr Prosper de Pietra Santa souligne alors qu’on y écroue « des mendiants ramassés aux coins des bornes, des vagabonds qui ont végété dans la misère et frappé vainement à la porte des hospices.» Son étude qui porte sur la période 1851-1854 indique qu’on y transfère soit du dépôt de la préfecture de police soit de Mazas (la Grande Force), des individus déjà malades. Des maladies graves s’y développent, typhoide, choléra, affection de la poitrine et d’autres.

-Août 1858, devant l’insalubrité de l’établissement, un premier décret d’expropriation est prononcé. Les derniers prisonniers partiront à la Santé inaugurée en 1867. La prison pourra alors être démolie.

Démolition de la prison des Madelonnettes (photo Marville)

Quelques prisonniers célèbres

Jean-Jacques Barthélémy a occupé le fauteuil 18 de l’Académie française (nypl. digital collections).

En septembre 1793 – L’auteur Jean-Jacques Barthélémy, dit l’abbé Barthélémy, fauteuil 19 de l’Académie française, y fera un bref séjour. Il sera délivré sur l’intervention de la duchesse de Choiseul. Il retrouvera son poste au département des médailles de la Bibliothèque nationale. On lui proposa alors le poste de directeur de la bibliothèque qu’il refusa.

Par contre dénoncés par des Jacobins, les artistes de la Comédie française (jugée comme un repaire d’aristocrates) ont été arrêtés après la représentation de Pamela de François de Neufchâteau. Ils y resteront sept mois. Six d’entre eux : Dazincourt, Fleury, Louis Contat, Emile Contat, Raucourt et Lange seront condamnés à la guillotine par Fouquier-Tinville. L’acteur Charles Labussière entré dans le comité de salut public, où il vérifiait les dossiers, put en retirer les pièces marquées de la lettre rouge G (guillotine).

Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, avocat, membre de l’Académie française fauteuil 38,  défendit Louis XVI lors de son procès en décembre 1792, avec ses confrères Tronchet et De Sèze. Il y séjourna, incarcéré comme suspect, avant son transfert vers Picpus. Il accueillera chaleureusement les comédiens. Rappelons qu’au XVIIIe siècle, Malesherbes alors ministre du roi avait permis l’ouverture d’une prison expérimentale : La Force. On y séparait les prisonniers selon les peines, mais aussi les hommes et les femmes. Les salles laissaient entrer la lumière, l’air. Elles étaient en surface. Les cachots humides en sous-sol, sans air ni lumière, étaient ainsi dénoncés.

En décembre 1793 – Donatien Alphonse François marquis de Sade, membre de la section des piques  été incarcéré comme suspect après un discours anticlérical prononcé devant Robespierre. Il aurait dû se trouver à Saint-Lazare lorsque l’accusateur public Fouquier-Tinville prononça sa condamnation à mort en juillet 1794, avec celle de 28 autres accusés. On l’y cherchera. Mais il a été transféré à Picpus et échappera à la guillotine car Robespierre sera guillotiné le 28 juillet.

Pour en savoir plus :

Mémoires de Fleury de la Comédie française, vol. 2, chap. VIII, p. 173 à 191 publiés par J.B.P. Lafitte (1844)

-Les prisons de Paris, histoire, mystère, mœurs, de Maurice Alhoy et Louis Lurine (G. Havard, 1846)

Etudes sur l’emprisonnement cellulaire et la folie pénitentiaire : Mazas et les Madelonnettes, par le Dr Prosper Pietra Santa (2e édition, 1858)

-L’impossible photographie, prisons parisiennes 1851-2010, livre-catalogue de l’exposition présentée au Musée Carnavalet- Histoire de Paris, du 10 février au 4 juillet 2010, Paris-Musées

À suivre une vidéo définissant le quadrilatère délimitant l’emplacement de la prison :

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