
A l’initiative de Valérie Dupont-Aignan directrice de la Maison Caillebotte à Yerres (91) vous pourrez découvrir, du 17 mai au 21 septembre 2025, l’exposition « Boris Zaborov (1935-2021), Peindre la Mémoire » conçue par le commissaire Pascal Bonafoux, à la ferme Ornée.
Parallèlement se tient à l’Orangerie, l’exposition « Evi Keller, matière-lumière », du 17 mai au 31 août 2025, sur laquelle nous reviendrons en détails dans un autre article.
Maintenant découvrons, conduit par l’historien de l’art Pascal Bonafoux, l’univers du peintre Boris Zaborov, son ami.
Leur rencontre remonte à 2004.
L’historien préparait une exposition qui sortait des sentiers battus « Moi, je/autoportrait du XXe siècle ».
Il réunira 150 autoportraits (tableaux et dessins) au Musée du Luxembourg à Paris.
Sur l’autoportrait de Boris Zaborov, l’artiste fait se cotoyer le réel et l’irréel sur la même surface plane. L’espace réel, c’est son visage réfléchi dans un miroir. Sa vision de lui-même est la même que la nôtre devant son portrait puisque nous le regardons dans la glace. L’autre espace est irréel, il s’agit du modèle qu’il a peint.

Autoportrait de Boris Zaborov, L’artiste et son portrait (1998)
L’autoportrait qui a séduit l’historien est entré dans la collection d’autoportraits des Grands Ducs de Toscane, initiée par le cardinal Léopold Médicis au XVIIe siècle, conservé à la Galerie des Offices de Florence. Boris Zaborov rejoindra donc en 2008, Marc Chagall qui avait offert le sien en 1976.
Il sera membre de l’Académie des arts du dessin de Florence, en 2018. La ville italienne berceau de la Renaissance l’a fasciné depuis sa tendre enfance. Il avait trouvé chez le libraire « Au livre démocrate », rue Gorki à Minsk un livre en russe : « Florence » et se passionnera toujours pour « La Magnifique ».

2010-2020, Il peindra un hommage à Florence (repeint sur le Quattrocento hommage à Piero della Francesca).
Nous découvrons ainsi « une exposition de la poésie du silence, une exposition de l’équilibre et de la réflexion… »
Né en Biélorussie à Minsk, fils d’un artiste (peintre et intellectuel), il a étudié les beaux-arts à Léningrad, à Moscou, mais ne sera pas peintre dans son pays. Il illustrera des livres qui généreront des suspicions et les mises en scène préparées avec Piotr Formenko ne seront jamais montées. Il est diplômé en scénographie, mais sa démarche artistique soulevait des interrogations. Le KGB ira jusqu’à fouiller son atelier. Un geste qui le décidera à quitter son pays, en 1980, pour gagner Paris et peindre enfin.

Parti avec sa femme et ses enfants, ils ont emporté des photos de famille. Il va trouver là son inspiration dans « La transmission et le dialogue avec les époques précédentes ».

A la recherche de modèles, il trouvera sur des brocantes, dans des boutiques, d’autres portraits anciens, des photos de familles inconnues, hommes, femmes, enfants en groupe ou seuls. Ses peintures vont évoquer l’effacement, mais garder le souvenir de tous ces modèles, devenus ses propres modèles.

Lors de la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, il sait qu’il pourra retourner à l’Est. Il va faire partie des 40 artistes invités par Sylvestre Verger à peindre sur un fragment du mur.
C’est ainsi que nait le portrait de ses deux vies qui ont été séparées par un fil de fer barbelé.

Les livres ont accompagné son enfance et il sait que beaucoup ont été détruits, que ce soit dans son pays d’origine ou en Allemagne. II craint les autodafés, c’est pourquoi il va choisir de réaliser des livres en Bronze.
Il exprime son art à la recherche de la lumière qui dans la littérature russe est celle de la mort. Il évoque des paysages nés de ses souvenirs, comme tous ces personnages d’un autre temps qui ont disparus.

Il peint des photos d’anonymes qui se sont effacées. Ils ont été oubliés. Il plonge son regard dans les yeux fixes des modèles parfaitement immobiles sous l’œil du photographe pour une longue pause. Sur un fond de couleur, il va leur donner une nouvelle vie puis la diluer offrant cet effet nuageux qui estompe ses couleurs. Il les installe dans une espèce de brouillard d’où ils nous apparaissent et nous fixent. « Une brume vaporisée à percer. »

Il va voyager et exposer, le monde découvre l’artiste. Du Japon, il en rapportera quelques sujets, quelques modèles.
Il pratique les nus allégoriques, académiques, dans la tradition héritée de la Renaissance mais sans la dimension érotique.

Parce qu’il avait étudié le « théâtre » au sein de faculté de peinture, il renouera à la Comédie-Française, en 1992, avec les décors et les costumes pour : Le Bal masqué de Mikhaïl Lermontov du metteur en scène russe Anatoli Vassiliev qui mettra également en scène : Amphytrion de Molière (2002).

D’autres décors et costumes suivront toujours à la Comédie française pour Lucrèce Borgia de Victor Hugo, mis en scène par Jean-Luc Boutté et Andrei Smirnoff metteur en scène d’Un mois à la campagne, d’Ivan Tourgueniev.


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