26 octobre 2022, « il n’y a pas de fauteuil double à l’Académie des beaux-arts » rappellera Laurent Petitgirard (section composition musicale) le secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts qui veille sur la cérémonie d’installation avec la présidente Astrid de La Forest (section gravure et dessin) et Alain Charles Perrot (section d’architecture) sous la Coupole de l’Institut de France. Anne Poirier, élue le 23 juin 2021, nouveau membre de la section sculpture succède à Gérard Lanvin. Son compagnon Patrick Poirier a été nommé correspondant de la section de sculpture. Le couple est réuni sous la Coupole.
L’Académicien Frédéric Mitterrand (section cinéma et audiovisuel de l’Académie des beaux-arts), ancien directeur de l’Académie de France à Rome, à la Villa Médicis, de 2008 à 2009, a prononcé le discours d’installation.
Il a évoqué Rome car Anne et Patrick Poirier ont été pensionnaires de la Villa Médicis, alors dirigée par Balthus.
« Vous arrivez un soir de février 1968… Patrick vous rejoint, sous le coup des événements de mai 1968… Vous êtes mariés vous commencez à travailler ensemble ».
Une première grande maquette en terre cuite (6 m × 12 m) est réalisée en 1969. « Ils ont reconstitué une ville antique Ostia Antica (1970-1972). »
« Votre recherche ne ramène pas à la vie ce qui est mort… Elle est la démarche même de l’artiste par la création d’une métaphore qui nous rapproche de notre propre sort de misérables mortels et le transcende en faisant naître une beauté qui elle, ne périra pas »
Leurs maquettes de ruines témoignent de la fragilité des choses en voie de disparition.
Ils portent même leur regard sur le futur comme en témoigne leur création « Exotica ruine du futur ».
Ces artistes se disent architectes et archéologues. Ils sont aussi ethnologues, photographes et sculpteurs.
Grands voyageurs, ils ont parcouru le monde et leurs maquettes racontent l’histoire fragile des civilisations anciennes. Ils travaillent pour la mémoire et contre l’oubli, à partir de dessins annotés, de figurines miniatures, d’inscriptions anciennes, de plantes constituant un herbier, d’objets photographiés afin de rapporter des témoignages de leurs nombreux voyages.
Frédéric Mitterrand concluait en citant Jean-Hubert Martin : « Anne et Patrick plongent leur regard jusque dans la nuit des temps, ils sont de ce fait les veilleurs du jour, toujours en alerte pour témoigner des méfaits de l’homme pour l’homme et tenter de saisir les complexités contradictoires de sa psyché ».
Fauteuil n°7 de la section de sculpture
La nouvelle académicienne siège, depuis son élection, aux côtés de ses confrères sculpteurs :
Claude Abeille, Brigitte Terziev, Pierre Edouard, Jean Anguera, Jean-Michel Othoniel
Elle a donc rendu hommage à son prédécesseur Gérard Lanvin, un homme discret et au travail remarquable.
Il avait succédé à Jean Carton en 1990. Il a mis en place de grandes campagnes de restauration d’ornements et d’œuvres sculptées pour les Monuments historiques, notamment à Paris, au Palais Brongniart, Palais Garnier, Assemblée Nationale, Institut de France, Palais du Luxembourg, Cour Carrée du Louvre. Il a réalisé de nombreuses médailles pour l’Hôtel de Monnaies et Médailles ainsi que des œuvres monumentales. Son atelier n°3, rue du Saint-Gothard (Paris 14e) pourrait peut-être devenir un lieu préservé.
Elle concluait : « Et nous sommes tous, artistes ou pas, responsables de la Mémoire du Monde. Nous sommes tous, artistes ou pas, responsables de la Beauté du Monde. Battons-nous aujourd’hui pour que le Monde de demain demeure riche et beau. »
Jacques Toubon, ancien ministre, a remis son épée à l’Académicienne qui a adoubé son chevalier.
L’épée dessinée par Patrick Poirier a été réalisée par l’orfèvre Marc Gassier. Une double lame l’une portant le nom d’Anne Poirier et l’autre celui de Patrick Poirier, à la base un petit médaillon avec le portrait de leur fils disparu, Alain-Guillaume y a 20 ans. Le pommeau en argent poli est un Janus, le portrait du couple. La garde symbolise le cerveau et la mémoire. Le manche est une colonne d’architecture en tronçons décalés avec à sa base un carré de sa pierre favorite un lapis-lazuli.
Son habit d’académicienne a été dessiné par Mevan Kaluarachchi (Rotterdam) et Patrick Poirier qui a dessiné les broderies et choisi les couleurs des fils de soie. Les broderies ont été exécutées par Céline Le Belz (Plumelec, Morbihan), meilleure ouvrière de France.
Pour terminer cette cérémonie, un moment de pure émotion nous a été offert par le célèbre violoniste Patrice Fontanarosa.
Il a interprété le Concerto à la mémoire d’un Ange, d’Alban Berg compositeur dodécaphonique, une oeuvre écrite après la mort de la fille d’Alma Maria Malher.
Suivi de plumes d’ange tombées du ciel. Quelques plumes envoyées par celui qui demeure présent à leurs côtés.
Antoine Prodhomme
Comment posted on 11-1-2022belle évocation d’une émouvante installation