Beaux-Arts

A Perpignan au Musée Hyacinthe Rigaud : Aristide Maillol et Pablo Picasso une rencontre inédite

Chaque année, le Musée d’art Hyacinthe Rigaud de Perpignan propose une exposition exceptionnelle qui démontre l’attirance des artistes pour sa situation entre la mer et la montagne, et son si spécifique art de vivre catalan.

Discours de Bienvenue prononcé par André Bonnet Adjoint au Maire de Perpignan, délégué à la Culture et à la Catalanité, Président de l’Établissement public du Musée Rigaud, entouré de son équipe et des commissaires de la nouvelle exposition

La scénographie proposée dans le cadre de l’exposition : Maillol-Picasso, Défier l’idéal classique présentée au Musée d’art Hyacinthe Rigaud à Perpignan est à découvrir, du 28 juin au 31 décembre 2025. La directrice et conservatrice en chef de l’établissement, Pascale Picard a constitué une équipe scientifique avec à ses côtés Thierry Dufrêne, professeur d’histoire de l’art à l’Université Paris Nanterre, Antoinette Le Normand-Romain, conservatrice générale du patrimoine honoraire, directrice générale de l’INHA honoraire.

Le commissariat scientifique : Antoinette Le Normand-Romain, Pascale Picard, Thierry Dufrêne réunis devant L’Air de Maillol (1938-1939) et le Nu couché de Picasso (1932)

Cent-dix œuvres (sculptures, peintures, dessins, gravures, photos) ont été réunies autour de six thématiques, grâce à de nombreux prêts, établissant des dialogues entre les deux artistes qui ont défié l’idéal classique. Sont ainsi soulignées de subtiles influences mutuelles de la sculpture à la peinture, du dessin à la gravure, dans un style nouveau qui utilise la géométrie pour constituer des formes naturelles.

Un thème qui étonne… des rapprochements qui fonctionnent

Le projet de l’architecte allemand naturalisé américain, « Museum for a small City », a abouti à la création de la Nouvelle Galerie nationale, Berlin Neue Nationalgalerie en 1968, à Berlin.

Un projet de musée pour une petite ville

L’exposition trouve son origine dans le projet de l’architecte allemand Ludwig Mies van der Rohe installé aux États-Unis en 1838. Il présentait pour le magazine Architectural Forum en 1943, l’idée d’un Musée pour une petite ville, la maquette était réalisée à partir de découpages dans des revues, pour illustrer une mise en place après-guerre. Un prototype de musée pour « la découverte de l’art ».

La Nuit de Maillol (1909-1912) recroquevillée à la manière des statues cubes égyptiennes

L’architecte mettait à l’honneur les œuvres de deux artistes connus des musées américains, celles de Maillol et Picasso, dans le contexte de l’après seconde guerre mondiale. Il choisissait, l’obscurcissement de La Nuit (1906-1909) pour Maillol et en toile de fond le combat illustré par Guernica (1937) de Picasso qu’il avait pu voir à Paris lors de l’exposition internationale de 1937. Ces deux œuvres illustrent la tension dramatique de la période.

L’Action enchaînée (1907) et Grand torse féminin pour L’Action enchaînée (1907)

Figurait également, L’Action enchaînée (1907) de Maillol qui annonçait le retour de la Liberté, enchaînée mais presque libérée. Il s’agit en fait du Monument commémoratif à Auguste Blanqui (Puget-Théniers, Alpes-Maritimes) dont la réalisation avait été confiée à Maillol en 1905. Blanqui avait écrit l’Enfermé pour avoir passé 36 ans, au total, en prison. Ce corps féminin en mouvement tel que le voyait Mayol représente la Vérité nue dont le regard cherche à voir comment se défaire des liens.

Deux artistes liés à Perpignan

Maillol a donné sa sculpture qui caractérise la région « Méditerranée » à Perpignan. Ce sera sa première sculpture installée en ville.

Picasso, de 1953 à 1955, après le départ de Françoise Gillot, a séjourné à l’Hôtel de Lazerme, qui deviendra le Musée d’art Hyacinthe Rigaud en 1979.

Le collier au taureau sur chaîne articulée, réalisé selon le procédé dit « en cire perdue » est présenté ici par Pascale Picard. On peut voir la photo de Paule de Lazerme portant le collier.

Une salle de l’exposition est consacrée au séjour de Pablo Picasso, 1953-1955, qui dispose d’une chambre et d’un atelier à l’Hôtel de Lazerme, 14 rue de l’Ange, à Perpignan, devenu le Musée des beaux-arts en 1979. Il y séjourne, après que Françoise Gillot l’ait quitté. Elle était, elle aussi, reçue à la même époque chez les Lazerme qui sont également ses amis.

Le collier au taureau sur chaine articulée offert par Picasso à Paule Dubadie, comtesse de Lazerme au plus tard à Noël 1953.

Le collier offert par Picasso à Paule de Lazerne est présenté ici pour la première fois.

On y découvre également les photos de cette période prises, à la demande de Picasso, par le portraitiste Raymond Fabre qui avait son atelier rue de l’Ange au rez-de chaussée de l’Hôtel de Lazerme. A noter les photos de Picasso devant Méditerranée, durant cette période.

A la même époque, il a fréquenté l’atelier de céramique Sant Vicens invité par Firmin Bauby. Il a envisagé d’y travailler mais il avait déjà commencé à Vallauris, en 1947. Parallèlement, le peintre Jean Lurçat avait débuté la céramique avec l’équipe de Bauby, en 1951.

Catalans dans l’âme, la femme est leur modèle, son corps les inspire, les séduit

La Montagne (vers 1937) est une allégorie du paysage pyrénéen.

Aristide Maillol est né à Banyuls (1861-1944) et Pablo Picasso à Barcelone (1881-1973).

Le Désir de Maillol succès du Salon d’Automne 1907 ; Déposé au Musée de Perpignan par la galerie Dina Vierny, depuis 2017

L’un et l’autre demeurent attachés à leurs origines, et à l’image de la femme, éternel modèle de l’artiste, objet du désir.

Sculpture de Picasso, Tête de femme qu’il a désincarnée

Ils sont liés aux spécificités et à l’histoire de cette région divisée entre la France et l’Espagne depuis le 17e siècle, où demeurent leurs racines. Le carnet de croquis de Picasso saisit des attitudes locales.

Ils sculptent des corps de femmes, la Tête de femme de Picasso accorde comme Maillol son attention à la chevelure. Marie-Thérèse Walter lui a inspiré une série. En 1969, il a peint un visage de femme couronné de fleurs qui pourrait évoquer ce même modèle.

Maillol de son côté dès 1898 a modelé une Tête de catalane et de nombreuses têtes toujours très attentif aux cheveux, aux détails.

Picasso a coiffé de la barretina, deux buveurs catalans (suite Vollard, planche 12, 1934). Il se fera photographier avec la coiffe traditionnelle, fin août 1954, par René Fabre.

Ils ont un marchand Commun et quel marchand ! Ambroise Vollard (1866-1939)

Thierry Dufrêne présente deux des portraits de Vollard (figurant dans la Suite Vollard) réalisés par Picasso

Ambroise Vollard est celui qui a découvert Cézanne, Van Gogh, Henri Matisse. Il est le trait d’union entre les artistes. Il s’intéresse à la sculpture, à l’art moderne, aux livres d’art, à la bibliophilie. Il organise la première exposition de Picasso en 1901 et de Maillol en 1902, dans sa galerie.

Baigneuse debout (1901) de Maillol présentée lors de la première exposition à la galerie Vollard
Antoinette Le Normand-Romain présente les premières sculptures en bois de Maillol.

Convaincre Maillol dès 1900 de passer une de ses quatre sculptures réalisée en bois en bronze, et la vendre, ce sera l’étape décisive qui fera de l’artiste un sculpteur.

La baigneuse debout qui a le bras levé est dite baigneuse Fayet, du nom de son premier acquéreur. Elle a été réalisée en bois de Buis vers 1901.

En 1908, Renoir fera le portrait de Vollard qui tient dans la main une des premières statuettes de Maillol qu’il a éditée. Picasso a réalisé deux genres de portraits du marchand dont un cubiste (une huile 1910).

Tous les deux, ils participeront à des travaux d’édition d’art que leur commandera le marchand.

Méditerranée de Maillol est sa première sculpture présentée, au Salon d’automne de 1905, sous l’intitulé « la Femme assise ». Elle a marqué durablement Picasso.

Maillol – Picasso défier l’art classique, un face à face révélateur. Méditerranée de Maillol côtoie Femmes à la mer de Picasso ce qui permet de voir qu’une des femmes a une position semblable à celle de la statue voisine.

On peut l’admirer dans le patio de la Mairie de Perpignan. Elle est considérée comme une œuvre de facture classique, par la perfection de ses formes, admirée par Picasso qui l’a redécouverte lors de son séjour à l’Hôtel de Lazerme. Il s’est fait photographié dans le patio alors qu’il en scrutait les détails dans un vrai face à face …

Un dialogue permanent entre les commissaires éclairent les relations entre les œuvres comme ici entre L’Air de Maillol (1938-1939) au premier plan et le Nu couché de Picasso (1932) renversé en une  » Nature morte dont les appâts corporels mûrissent au soleil intense de la cuisson du désir « , commente Thierry Dufrêne.

Ils ont eu leur atelier à Paris où ils se sont rencontrés

Ils se sont rencontrés de manière brève, côtoyés à plusieurs reprises à Paris, lors des expositions, chez leur marchand. Picasso a rendu visite à Maillol, notamment en 1937, lorsqu’il travaillait sur Guernica. Il pensait faire appel à Kees Van Dongen mais celui-ci travaillait alors avec Maillol qui préparait La Montagne pour l’exposition de 1937.

Alexandre Lorquin présentait Le Nu assis penché en avant ou Nu assis de profil (Iva). Une des dernières acquisitions de la Fondation Dina Vierny-Musée Maillol qu’il dirige avec son frère Pierre.

Parallèlement à l’exposition de Perpignan à laquelle la galerie Dina Vierny a largement contribué, le Musée Maillol de Banyuls-sur-Mer présente, durant l’été, la dernière œuvre inachevée de Maillol : Harmonie sur laquelle le sculpteur a travaillé avec Dina Vierny alors âgée de 20 ans, pendant l’Occupation, de 1940 à 1944. Une aventure à découvrir dans son atelier où il s’est réfugié en 1939.

La directrice Pascale Picard et l’indispensable catalogue

Les confrontations, rapprochements établis sont passionnants.

Le catalogue est un précieux outil pour emporter des souvenirs éclairés de la visite de l’exposition et compléter les informations indispensables.

Publié par Silvana Editoriale, le catalogue est au format 24×28 cm, en 280 pages, illustré tout en couleurs.

Il fournit toutes les informations nécessaires et complémentaires sur les œuvres présentées et les thématiques choisies, rédigées par les trois membres du commissariat scientifique. Prix : 39 euros

Quelques précisions pour les Nautes de Paris sur quelques séquences de l’exposition présentées par la directrice du Musée Pascale Picard, commissaire générale de l’exposition

Commentaires

  • Martial
    Comment posted on 7-25-2025 Reply

    Super belle expo bravo et merci Les Nautes de Paris

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