Remontons le temps. Après la défaite du 2 septembre 1870, l’Empereur est prisonnier des Prussiens à Sedan. La République est proclamée le 4. La guerre reprend. Paris est assiégé dès le 18 septembre. En janvier, l’armistice est signé. Une Assemblée nationale majoritairement monarchiste et pacifiste est élue, le 8 février. Adolphe Thiers nommé chef du gouvernement signe, à Versailles, les préliminaires de paix : annexion de l’Alsace et de la Lorraine sans Belfort qui a résisté ainsi qu’une indemnité de 5 milliards à régler. Début mars, les vainqueurs sont sur les Champs-Elysées. La guerre est finie, mais pas pour les Parisiens qui sont affamés, affaiblis, sans le sou. Les Républicains se sentent trahis. L’hiver a été rude. Ils sont en colère.Thiers ne paie plus la Garde nationale de Paris et supprime le moratoire du siège sur les loyers et les effets de commerce.
Le 18 mars 1871, Paris se rebelle. Thiers décide de désarmer les 250 000 hommes qui recrutés dans toutes les classes sociales veillent sur les quartiers, depuis août 1870. Il lui faut récupérer les armes et les canons que la population a payés par souscription pour la guerre. Ils sont entreposés sur les hauteurs Ménilmontant, Belleville, 171, le plus grand nombre, ont été réunis sur la butte Montmartre, « au cas où la guerre reprenne». La troupe est envoyée, au petit matin, pour s’en saisir. Paris se réveille en mode alerte dans tout la capitale. Les membres de la Garde nationale arrivent en armes. Des barricades se dressent dans Paris. Les femmes devant les canons apostrophent les soldats :
« Nos fils, nos frères sont dans l’armée ; nous sommes tous les enfants de la France. Il ne faut pas nous tuer entre nous. »
La troupe refuse de tirer. Elle fraternise avec la population.
Malgré l’intervention du Comité de vigilance de Montmartre et de Georges Clémenceau, maire du 18e et député, deux officiers seront exécutés, les généraux Jules Lecomte et Clément Thomas. Le gouvernement se replie à Versailles face à ceux qu’ils vont baptiser les Communards.
Le Conseil de la Commune sera élu le 26 mars (52% d’abstention). Ils sont républicains, socialistes, anarchistes, patriotes, fils de la Révolution, ouvriers endettés, petits industriels, artisans et boutiquiers ruinés par le siège, ils défendront leurs quartiers, mourront sur les barricades. Ils ont en moyenne 32 ans, les trois-quarts sont venus de province. Quelques étrangers apporteront leur concours à cette république socialiste qui conduit la ville à la recherche d’un statut municipal qui lui est refusé.
Dès le 29 mars, une commission exécutive s’appuie sur 9 commissions (finances, subsistances, guerre, relations extérieurs, sûreté, services publics, enseignement, justice, travail, industrie, échange). La parole se libère dans les cabarets et les clubs ouverts dans les églises qui ont été fermées. La loi du 14 avril va mettre sur pieds un conseil municipal composé de 80 membres -que des hommes-, un par arrondissement chacun divisé en quatre quartiers.
Souhaitant sortir du rôle où les hommes les confinent, les femmes s’impliquent jusque dans les combats sur les barricades. Elles y soignent, nourrissent et se battent : « Il faut savoir mourir pour la patrie… toutes au combat ! Il faut écraser les Versaillais ! ». Elisabeth Dmitrieff et Nathalie Lemel, socialistes de la première heure ont créé l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. La journaliste André Léo est membre du Comité de vigilance de Montmartre aux côtés de Louise Michel. Elles veulent faire évoluer le statut de la femme mariée dépendante de son époux et de la religion. Dès fin mars, avec la commission enseignement elles se penchent sur l’éducation en général et celle des filles en particulier. Paule Mink ouvre une école gratuite pour les filles dans l’église Saint Pierre de Montmartre. En réponse à leurs attentes, la prostitution est interdite, l’union libre et le divorce autorisés, le travail de nuit interdit pour les boulangers. Les coopératives se développent installées dans des ateliers abandonnés réquisitionnés.
Le 2 avril, les Versaillais passent à l’attaque.
Dès le 2 avril, la guerre civile menée par les Versaillais voit des affrontements en périphérie de Paris, au pont de Neuilly, au Mont Valérien au fort d’Issy, au fort de Vanves. Les obus pleuvent, cependant le mur de Thiers (construit de 1841 à 1844) joue son rôle. Il empêche de pénétrer dans la Capitale, mais il n’y suffira pas. Un programme de construction de barricades est confié à des responsables de quartier afin de bloquer les voies stratégiques anticipant l’arrivée des Versaillais et pour empêcher leur progression. Mais le dispositif présentera des faiblesses sur le secteur Sud-Ouest.
Début mai, le Comité de Salut public est créé.
La Maison de Thiers est détruite, le 12 mai.
Le 16 mai, la colonne Vendôme (vote du 12 avril) est démolie au son de la Marseillaise et du chant du départ.
Gustave Courbet directeur des beaux-arts, qui n’était pas encore membre du gouvernement lors du vote, sera condamné, pour usurpation de fonctions publiques et complicité de la destruction, à six mois de prison et une amende de 500 francs. Il n’aura pas à payer sa reconstruction car malade, il meurt en Suisse en 1877.
Dimanche 21 mai
Les Versaillais entrent dans Paris par le Point du Jour, au bastion 62 de la porte de Saint-Cloud non surveillée ce jour là et déjà mise à mal par des obus les jours précédents. Ainsi commence la semaine de répression baptisée la Semaine sanglante qui mettra fin à la Commune.
Les obus pleuvent sur Paris, visent les dépôts d’armes, à Montmartre l’armement a été dispersé. Un début d’incendie au Ministère des Finances est stoppé par les pompiers de la Commune. Les Parisiens se battent avec ardeur, défendent leurs quartiers. Certains combats restent dans les mémoires : la Butte aux Cailles les 23-24, le Père Lachaise le 27 avec 147 fédérés fusillés devant le Mur ; Belleville où sera prise la dernière barricade le 28 mai.
Les Versaillais pratiquent des exécutions sommaires. Ils fusillent hommes, femmes, enfants, gardes nationaux, combattants des barricades, au fur et à mesure de leur avancée sans distinction. Tous sont rebelles, leurs mains sales, leurs vêtements, les écharpes rouges en témoignent. Le 24, en position défensive, la Commune va exécuter des otages, des religieux et l’archevêque de Paris Monseigneur Darboy ; le 25, les Dominicains d’Arcueil ; le 26, des prisonniers de la Roquette conduits rue Haxo.
Paris brûle, le mythe des pétroleuses va naître.
Les Fédérés vont mettre le feu, les 23 et 24, à des immeubles, rue Royale, rue de Rivoli et aux bâtiments officiels, témoin de l’Histoire.
L’Hôtel de Ville brûle et avec lui les registres de l’Etat-Civil.
Le Palais des Tuileries que les Parisiens avaient pu découvrir à l’occasion de spectacles et concerts ne sera jamais reconstruit.
Il sera démoli en 1883.
Les incendies s’enchaînent à la Préfecture de Police, au Palais de Justice ou les seconds registres d’Etat-Civil et les registres paroissiaux sont détruits à leur tour.
Le Palais Royal, le ministère des Finances, la Cour des Comptes et le palais de la Légion d’Honneur avaient commencé à brûler dès le 23.
Le temps de tribunaux est venu
29 mai, la garnison du Fort de Vincennes faisait face aux Allemands installés dans le bois. Ils viennent d’être remplacés par les Versaillais, le Fort capitule. Un tribunal militaire est réuni au Pavillon de la Reine. Neuf membres la Commune sont condamnés, dont le colonel Delorme. Ils seront exécutés dans le fossé Sud où ils seront enterrés. Vingt-deux tribunaux seront créés. Après leur jugement, des femmes seront emprisonnées au second étage de la Tour à Vincennes. Certaines ont gravé leur nom sur les murs de leur cellule.
Ce massacre a fait des dizaines de milliers de victimes fusillées sans jugement, du 22 au 29 mai 1871.
On avance le chiffre de 30.000 morts. La ville a payé pour 17.000 enterrements, beaucoup de morts ont été enterrés dans des fosses communes. Paris aurait perdu 100.000 Parisiens.
1051 femmes passeront en jugement, 18 seront condamnées parmi lesquelles Louise Michel qui sera déportée en Nouvelle Calédonie.
L’amnistie générale sera prononcée en juillet 1880, le 1er mai avait eu lieu la première commémoration du Mur des Fédérés au Père Lachaise.
Adolphe Thiers sera président, du 31 août 1871 au 24 mai 1873.
Quelques ouvrages ayant servi à la rédaction :
–Les Communeux, portraits de Bertall (1871)
–La Commune, série de portraits avec notices biographiques Mailly (1871)
–Histoire de la Commune de 1871, Prosper-Olivier Lissagaray (1876)
-Gustave Courbet et la Colonne Vendôme, plaidoyer de Jules-Antoine Castagnary (1883)
-La Commune de 1871, sous la direction de Jean Bruhat, Jean Dautry, Emile Tersen (1960)
–La Commune, de Jacques Rougerie (Que sais-je ? 1988)
-Regard d’un Parisien sur la Commune, photos inédites de la BHVP, textes de Jean Baronnet (2006)
–La France du XIXe siècle, 1814-1914, Francis Démier (2014)
–Franchir les barricades, les femmes dans la Commune de Paris, de Carolyn J. Eichner, traduit par Bastien Craipan (2020)
Ainsi que les sites : www.nypl.org/digital-collections
https://www.wdl.org/fr/
https://www.loc.gov/free-to-use
www.macommunedeparis.com
www.commune1871.org
Wikipedia pour ses notices et Gallica.bnf pour les ouvrages du XIXe siècle
A suivre la vidéo : La Commune de Paris aura 150 ans, le 18 mars
Pingback: Une histoire de l’Hôtel de Ville, place de Grève à Paris | Nautes de Paris
Pingback: A L’Européen, ouvert depuis 1872, le spectacle continue | Nautes de Paris