Etablissement parisien disparu

En 1965, un second Drugstore Publicis ouvre à Saint-Germain

Le Drugstore Publicis de Saint-Germain des Prés a laissé ses locaux au couturier Armani. Mais revenons sur l’arrivée de la formule drugstore à Paris et son installation au 149, boulevard Saint-Germain…

Le Drugstore Saint Germain est inauguré le 19 octobre 1965.

Malgré le pas « de jargon à l’américaine sur les Champs-Élysées » rageur de Michel Debré, garde des sceaux du Général de Gaulle, le grand publicitaire Marcel Bleustein Blanchet ouvrira le premier drugstore français, en 1958.

Le premier Drugstore Publicis ouvert sur les Champs-Elysées

Il l’installe au 133 avenue des Champs Elysées, dans l’ancien hôtel Astoria, nouvelle adresse de l’agence Publicis.

L’enseigne du bar Le Drugstorien s’installe à Saint Germain

Il avait découvert  un soir à minuit, à Manhattan en 1949, ce concept. « J’ai aperçu la lumière d’une petite boutique (un drugstore). J’y suis entré pour demander mon chemin. En deux minutes, j’ai pu acheter un hamburger, une brosse à dents, un journal et un paquet de cigarettes. Pour obtenir la même chose à Paris, il m’aurait fallu dénicher un bureau de tabac, entrer dans un café et renoncer à la brosse à dents, faute de pharmacie ouverte… » Alors, il l’adapte à Paris.

Le second Drugstore Publicis ouvre à Saint-Germain, le 19 octobre 1965, à l’angle de la rue de Rennes et du boulevard Saint-Germain, il remplace le Royal Saint-Germain au 149, boulevard Saint Germain. La recette commerciale calée par Marcel Bleustein-Blanchet va attirer les noctambules de ce quartier qui pourraient devenir des « Drugstoriens ». Ouverture jusqu’à 2 heures du matin, 7 jours sur 7, avec une pharmacie et un bureau de tabac.

Une décoration signée Slavik. Ici au premier étage la brasserie

Le décorateur du concept, Slavik comparait le visiteur à une boule de Flipper: « Telle la bille catapultée d’un plot à l’autre, il sera projeté du bar à la librairie, de la librairie à la boutique-cadeaux, de celle-ci à la parfumerie, puis au tabac, du tabac au cinéma, du cinéma à un autre bar, de là au restaurant ou au pic-nic store.»

L’Attentat, film d’Yves Boisset (1972) sur l’affaire Ben Barka

Dix jours après son ouverture, Medhi Ben Barka, homme politique marocain, figure du mouvement anticolonialiste sera enlevé devant sa vitrine. Yves Boisset fera un film sur l’affaire Ben Barka qui sortira en 1972.

L’Express du 18 au 24 août 1994

Dimanche 15 septembre 1974, vers 17h, un terroriste lance une grenade de l’étage de la brasserie vers la galerie marchande en contrebas. Cet attentat fera deux morts et trente quatre blessés. Il sera imputé à Carlos (Ilich Ramirez Sanchez). Il sera condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, mais la décision a été annulée le 14 novembre 2019.

A l’affiche du cinéma, car il y a aussi une salle dans le concept du grand publicitaire, que des exclusivités. Une décoration en bois, marbre, cuivre et des fauteuils en cuir. La salle accueillait 297 spectateurs. Un dispositif sous chaque siège déclenchait l’éclairage d’une petite lampe rouge sur un tableau installé près de la caisse. On savait ainsi où étaient les places libres.

La salle était mitoyenne de la Brasserie Lipp aujourd’hui classée aux monuments historiques. une institution de Saint Germain ouverte depuis 1880. Les hommes politiques et personnalités qui la fréquentaient appréciaient la proximité du tabac du Drugstore et la qualité de ses cigares.

Serge Gainsbourg et son ami Jacques Dutronc, des habitués

Parmi les vedettes assidues du Drugstore, Serge Gainsbourg, bien sûr. Il s’est installé en 1969, à proximité, rue de Verneuil. Il venait régulièrement et parfois avec son ami  Jacques Dutronc qui avait créé Les Playboys, « les petits minets qui mangent leur ronron au Drugstore » ».

Serge Gainsbourg avait écrit et chanté avec Catherine Deneuve : Dieu fumeur de Havanes, en 1980 pour le film de Claude Berry « je vous aime ». La chanson sera un succès de  l’année 1981. En 1984, dans Ecce Homo, il dresse son propre portrait : « On reconnait Gainsbarre/ À ses jeans, à sa barbe/De trois nuits, ses cigares ».

La légende  de Gainsbourg nous dit qu’« il faisait des bises aux vendeuses, et dans ses moments de générosité, distribuait des billets de cinq cents francs.»

Certificat de travail de Sylvie

Sylvie qui a travaillé de nuit au bureau de tabac du Drugstore Publicis, en 1987-1988. Apporte une précision, car nous savons tous que toute la journée, il fumait gitane sur gitane… Mais le soir ….

« Serge Gainsbourg, -il ne m’a jamais acheté de Gitanes-, il me demandait un Havane qu’il payait toujours avec un billet de 500 francs. Il refusait à chaque fois sa monnaie. Nous avions une offre très large notamment des Montecristo, des Davidoff…  Je sortais le gros cigare demandé de l’armoire où était stockée l’offre à l’unité, afin que chaque cigare garde son humidité et soit souple au toucher. Les amateurs avaient tous un geste précis et satisfait pour en évaluer la qualité, » nous précise-t-elle. 

 

Entrée du Drugstore Saint Germain

Elle confirme les élans de générosité de l’artiste … « Il y avait à proximité une bagagerie, la presse, une épicerie fine, un grand magasin de jouets, une parfumerie… Le soir de Noël 1987, Serge Gainsbourg après l’achat de son cigare m’a dit : « j’offre ce soir un parfum à toutes les vendeuses présentes. Allez choisir le vôtre ».  

Je garde le souvenir du chanteur qui à l’heure de la fermeture lorsque entre vendeuses nous nous retrouvions dehors, pour un dernier verre au pub Saint Germain, on pouvez le voir sur le marchepied de la voiture des éboueurs, nu-pieds dans ses Repetto, nous lancer un « Salut les filles  » ».

Le Drugstore Publicis de Saint-Germain côté cinéma

Le film La petite Vertu de Serge Korber 1968

En 2002 est sorti un film, « Les minets du Drugstore » de François Armanet. Il a été adapté de son livre, sorti en 1999. Il met en scène les minets des années soixante, les bandes de jeunes des Champs-Elysées.

Par contre, nous pouvons voir le Drugstore Saint Germain, dans le film « La petite vertu« , de Serge Korber sorti en 1968. Jacques Perrin joue le rôle d’un photographe qui travaille dans la rue et photographie les passants devant le Drugstore Saint Germain.

Il va prendre un cliché qui lui causera bien des désagréments. On peut y voir en arrière plan le cinéma du drugstore.

En 1995, l’établissement de Saint-Germain a fermé ses portes.

Il a été vendu au couturier italien Armani. Son « caffé & Ristorante » jouxte la Brasserie Lipp.

Documentation : Les Nautes de Paris

Commentaires

  • Géraldine Cerf de Dudzeele
    Comment posted on 11-7-2021 Reply

    A paraître en librairie le 19 novembre un livre intitulé SLAVIK LES ANNÉES DRUGSTORE qui retrace le parcours de Slavik, ce décorateur russe qui a transformé la vie parisienne.

  • A. Giovacchini
    Comment posted on 1-3-2023 Reply

    j’ai bien connu cette époque j’habitais alors Rue Monsieur le Prince, et environ une fois par mois, on se payait le Drugstore, au début du mois, évidemment. C’est là que j’ai découvert l’avocat, et le steak tartare servi à partir d’une desserte et confectionné devant vous à la demande. Je n’ai jamais plus retrouvé un tel service. De même les glaces, je n’ai jamais retrouvé des glaces semblables avec un mélange de glaces et de petits gâteaux. Les couverts étaient argentés et de bonne qualité. Je possède encore en 2023 des couteaux à manche d’argent de cette époque et je peux vous dire qu’ils sont solides et surtout qu’ils coupent. C’était l’Age d’Or de St-Germain. Nostalgie quand tu nous tiens.
    J’ai 89 ans !

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