Balades ludiques à pied dans Paris

De l’Élysée à l’Observatoire, promenade dans le Paris de Napoléon Bonaparte

Le 2 novembre 1789, un décret de l’Assemblée Constituante mettait les biens ecclésiastiques à la disposition de la Nation. Le décret allait être à l’origine de la destruction d’abbayes, monastères, prieurés, couvents. Les biens des nobles devenaient des biens nationaux et trouvaient de nouvelles attributions, ainsi que nous pourrons le constater.

Le Palais de l’Élysée

Le Palais de l’Elysée rue du faubourg Saint-Honoré

En cette année du bicentenaire du décès de l’Empereur, nous avons choisi comme point de départ de cette promenade dans le Paris de Napoléon Bonaparte, le Palais de l’Élysée, rue du faubourg Saint Honoré. L’hôtel d’Évreux était devenu un lieu de fêtes pendant la Révolution. Il sera acheté par le maréchal Murat, le mari de Caroline Bonaparte. Il l’abandonnera à l’État lorsqu’il partira pour devenir roi de Naples, en 1808. Napoléon l’occupera. Après les cent jours et la défaite de Waterloo, Napoléon s’y rend le 21 juin 1815. Il y signe la reddition qui le conduira jusqu’à Saint Hélène où il meurt le 5 mai 1821. 

Les victoires du général Bonaparte donnent leur nom à des rues, à des ponts. Elles sont inscrites sur des monuments de Paris. L’Empereur des Français, Napoléon 1er voulait faire de Paris la capitale de l’Europe qu’il redessinait, de bataille en bataille, et pour laquelle il a créé de nombreuses institutions administratives, nous allons retrouver quelques-unes de ces empreintes laissées à la postérité.

La Madeleine (nypl.digitalcollections)

 Rejoignons la rue Royale. A gauche La Madeleine, à droite l’Assemblée nationale. En 1806, Napoléon fait transformer le projet d’église de La Madeleine en temple grec à la gloire de sa Grande Armée qu’il ne pourra pas finaliser. Le palais Bourbon est doté d’une façade en harmonie. L’église de La Madeleine sera inaugurée officiellement, en 1845. Au sein du palais du prince de Condé, le palais Bourbon est réuni à l’Hôtel de Lassay. Un hémicycle est créé pour le conseil des Cinq-Cents. Il sera transformé pour l’Assemblée nationale.

Poursuivons rue Saint-Honoré, passons devant l’église Notre Dame de l’Assomption qui servit de caserne sous la Révolution, devenue, en 1802, église polonaise. A proximité, rue Cambon se trouve la Cour des comptes installée là depuis 1912 ; corps unique pour le contrôle des comptes publics créé par l’Empereur, en 1807. 

L’Empereur, maître du Monde

Voici la rue de Castiglione ouverte en 1801. Elle mène à la place Vendôme qui date de 1699. En 1810, la colonne Vendôme est érigée, inspirée de la colonne Trajane de Rome. Le parement en bronze a été obtenu en coulant les canons pris aux ennemis russes et autrichiens à Austerlitz en 1805. Des scènes de batailles s’inscrivent en spirale, jusqu’au sommet. L’empereur est en maître du Monde. En César, il surplombe la bataille qui est racontée ici, tenant dans sa main un globe terrestre. En 1833, cette statue est remplacée par le « Petit Caporal », aujourd’hui aux Invalides. Napoléon III lui substitue une copie de la première statue. La Commune abat la colonne en mai 1871.  La colonne est reconstruite dès 1873 avec les plaques de bronze des scènes récupérées. En 2014-2015, l’hôtel Ritz en finance la restauration. En 1806, la place Vendôme s’ouvrait sur la rue Napoléon, devenue rue de la Paix, construite sur l’ancien couvent des Capucins qui fermait la place.

Nos pas nous mènent jusqu’à la rue du marché Saint-Honoré. Napoléon a fait moderniser les halles existantes, créé cinq marchés couverts. Le couvent des Jacobins de la rue Saint-Honoré détruit par un décret de 1795 doit être remplacé par un marché. En 1810, sont construites les halles en bois et en pierre du marché des Jacobins devenu marché Saint Honoré en 1826En 1999, il a été remplacé par une création de l’architecte Ricardo Bofill qui comprend un passage, des bureaux et…un marché.

Sachez qu’au bout de la rue du Marché Saint-Honoré, au 3 rue d’Antin, à la Mairie du 2e, installée à l’Hôtel de Mondragon, devenu bien national (auj. siège de BNP-Paribas), Joséphine de Beauharnais et le général Bonaparte se sont mariés civilement le 9 mars 1796. Le pape Pie VII les a mariés religieusement à la veille du sacre en 1804. 

Restons rue Saint-Honoré, voici l’église Saint-Roch. Remontons le temps, le 13 vendémiaire An IV (5 octobre 1795), Barras envoie le général réprimer des Royalistes qui attaquent les Tuileries. Les insurgés seront repoussés à coup de mitrailles jusque sur les marches de Saint-Roch où ils pensaient pouvoir se réfugier, mais la Révolution a fermé les églises. Ils sont vaincus. Les églises rouvriront progressivement avec la loi de séparation de l’église et de l’État qui vient d’être votée. Le général part pour l’Italie.

La place des Pyramides ancienne place de Rivoli

Rejoignons, par la rue des Pyramides ouverte en 1802, la place des Pyramides, ancienne place de Rivoli ouverte en 1801. 

La rue de Rivoli

Les architectes Percier et Fontaine vont gérer la restructuration de la rue de Rivoli (grande victoire du général Bonaparte en 1797) en la reliant à la rue Saint-Honoré. Elle sera pavée et un égout creusé dessous. Prévue pour aller de la Concorde à la Bastille en ligne droite, elle ira jusqu’à la colonnade du Louvre. Le baron Haussmann sous le Second Empire l’achèvera après de nombreuses expulsions. Mais, la Révolution est passée par là, et le 9 octobre 1801, les architectes peuvent commencer les travaux, la Révolution a expulsé les riverains tout au long du jardin des Tuileries. La rue passera sur les terrains des couvents des Capucins, des Feuillants et de l’Assomption en ce qui concerne la rue Cambon (ministre des Finances) prolongée en 1802, depuis la rue Saint-Honoré pour rejoindre la rue de Rivoli ; ainsi que la rue du Mont Thabor (victoire de 1799) parallèle à la rue de Rivoli, ouverte en partie en 1802. S’ouvrent pour rejoindre la rue Saint-Honoré, Le passage Delorme, aujourd’hui disparu, financé par un particulier (1802), la rue de Castiglione (victoire de 1796) ouverte en 1801 et en 1802 la rue des Pyramides (bataille de 1798) qui respectent tous les impératifs fixés par les architectes.

Maquette de la rue de Rivoli. Jeu de construction présenté au Musée Carnavalet par la commissaire Charlotte Duvette, en 2015.
Exposition : Le Paris de Napoléon.

Le caractère décoratif donné par les architectes exige une uniformité des façades avec les enjambées régulières des arcades et une sélection rigoureuse des commerces, sans enseigne, due à la proximité des Tuileries, ce qui freinait les investisseurs. Ni bruit ni pollution, ni ouvriers ni artisans bruyants ou utilisant des fours. Les investisseurs ne se bousculent pas. En 1813-1814, Chateaubriand qui habite en face du jardin des Tuileries, écrit dans les Mémoire d’outre-tombe : « On ne voyait encore dans cette rue que les arcades bâties par le gouvernement et quelques maisons s’élevant çà et là avec leur dentelure latérale de pierres d’attente »

 Entrons dans le jardin du Palais des Tuileries construit par Marie de Médicis. Le palais incendié sous la Commune en mai 1871, sera détruit en 1883, subsistent les Pavillons de Flore, de Marsan devant lesquels nous nous trouvons. 

Salle du Trône (nypl.digitalcollections). Trône de Napoléon, réalisé par l’ébéniste François-Honoré-Georges Jacob Desmalter (1804), d’après des dessins de Percier & Fontaine

Le premier Consul fait appel à l’architecte Lecomte pour des aménagements. Il le remplace après l’attentat de la rue Saint Nicaise par Percier et Fontaine. Ils restaureront la galerie du Louvre, le musée Napoléon sur lequel veille Vivant Denon qui a accompagné le général Bonaparte en Égypte, en 1798-1799. La pierre de Rosette découverte en Égypte a été rapportée par les Anglais à Londres, en 1801. En 1822 à Paris, Champollion déchiffrera les hiéroglyphes. Vivant Denon stocke et organise les souvenirs des campagnes militaires. Les architectes vont restaurer le Palais, y faire des aménagements notamment la salle du trône et l’arc de triomphe du Carrousel qui sera la nouvelle entrée du Palais pour les parades de la Grande Armée. Les chevaux rapportés de l’église Saint Marc de Venise domineront cet arc. Mais ils retourneront à Venise dès 1815, remplacés par une copie. En 2018, l’arc de triomphe sera restauré grâce à une campagne tous mécènes du Musée du Louvre.

L’arc de triomphe du Carrousel illustre la capitulation d’Ulm en 1805.
Revue militaire avant la construction de l’arc de triomphe du Carrousel. Les quatre chevaux de Saint Marc de Venise sont installés sur les grilles.

Jugé trop petit par l’Empereur qui veut un arc monumental dans l’esprit de l’arc de Titus à Rome, ce sera l’arc de triomphe de l’Etoile. Le 15 août 1806, la première pierre est posée pour l’anniversaire de l’Empereur. En 1810, Napoléon et Marie-Louise d’Autriche entrent dans Paris en passant sous l’arc inachevé, masqué sous une charpente de bois recouverte de toiles peintes. L’architecte Blouet le termine, entre 1832 et 1836. Il est inauguré le 29 juillet 1836 par Adolphe Thiers qui avec Louis-Philippe ont fait le choix des sculptures et des thèmes. Le 15 décembre 1840, le cortège qui ramène les centres de Napoléon passe sous l’arc de Triomphe.

La passerelle des Arts a été construite en métal et va subir plusieurs modifications.

Passons Rive gauche

Rejoignons la cour carrée. Les académies royales ayant été supprimées à la Révolution, L’Institut de France est créé en 1795 et installé au Louvre. Le premier Consul est membre de l’Institut depuis 1797. Les membres de l’Institut national des sciences et des arts empruntent la passerelle des Arts construite en métal, de 1802 à 1804 pour s’installer au collège des Quatre-Nations fondé par Mazarin. 1805, l’Institut retrouve quatre académies. L’académie des beaux-arts ne sera créée qu’en 1816. Les Académiciens dans leur costume officiel, décidé par un arrêté du Consulat de 1801, tiendront leurs grandes séances sous la coupole de la chapelle réduite pour leur confort par l’architecte Vaudoyer. La coupole de Le Vau sera restaurée dans son intégralité par André Guiton au début des années 1960. Elle a été restaurée récemment.

Bonaparte aurait fait le parcours, du Louvre à l’Institut, à cheval pour tester la passerelle.

A proximité de l’Institut se trouve le cours des Religieux devenu en 1810, la rue Bonaparte. Mais c’est la rue de Seine que nous prenons. La numérotation des rues que nous utilisons aujourd’hui date du décret du 4 février 1805.

Rejoignons la rue de Seine-Saint-Germain, le n° 1 est à l’angle du quai Malaquais. Au n°6 depuis 1807, le peintre officiel de Joséphine, Pierre Joseph Rebouté avait là son atelier. En 1809, Il enseigne la peinture à l’Impératrice Marie-Louise. 

Un décret impérial de 1811, ordonnant le prolongement de la rue de Tournon vers le Nord, entraîne fin 1811-début 1812 le prolongement de la rue de Seine au sud du croisement avec la rue de Buci vers ce qui est aujourd’hui le boulevard Saint-Germain. Continuons rue de Tournon pour rejoindre le palais du Luxembourg de Marie de Médicis. 1793, Il sert de prison. 1795, il est affecté au directoire. 1799, Bonaparte Premier Consul, s’y installe en novembre. Dès décembre 1799, pour l’installation du Sénat d’importants travaux vont être entrepris par l’architecte Chalgrin.

Du Panthéon à l’Observatoire

Le Panthéon des Grands Hommes

Nous sommes à proximité du Panthéon. Prenons la rue qui sous la Révolution s’est appelée rue du Panthéon français, renommée rue Soufflot en 1807, du nom de l’architecte qu’elle portait depuis 1760. Non consacrée, l’église Sainte Geneviève de Soufflot à la mort de Mirabeau (2 avril 1791) est devenue le Panthéon des Grands Hommes. Il en sortira trois ans plus tard, remplacé par Marat qui en sortira à son tourLe Panthéon abrite depuis les sépultures des grands hommes et de grandes femmes de France à l’exception des militaires inhumés aux Invalides, auxquelles Napoléon Bonaparte était attaché. La chapelle des Invalides est devenue le temple de Mars où sont réunis les drapeaux pris aux ennemis. La crypte sera creusée et aménagée à ciel ouvert pour accueillir le tombeau de Napoléon. 

Les Invalides seront la nécropole des Grands Militaires.

Autour du Panthéon plusieurs rues sont percées, en 1807. La rue d’Ulm qui accueille l’école normale, par l’article 108 du décret du 17 mars 1808 portant organisation de l’Université et notamment la formation des maîtres des écoles primaires. Elle sera une des adresses de l’École Polytechnique. La rue Clotilde qui ne sera achevée qu’en 1841. La rue des Ursulines est ouverte de la rue Saint-Jacques à la rue d’Ulm sur une partie de l’ancien couvent des Ursulines. La rue Clovis participe de la destruction de l’église de l’abbaye Sainte-Geneviève. Seuls subsistent le clocher visible dans l’enceinte du lycée Henri IV où demeurait la première bibliothèque Sainte Geneviève devenue propriété nationale en 1790. Elle portera le nom de Bibliothèque du Panthéon, jusqu’à la Restauration. En 1851, elle sera transférée, 10 place du Panthéon, dans le bâtiment construit par Labrouste.  Comme la bibliothèque de l’Arsenal, la Mazarine ou la Bibliothèque Nationale, elle s’est enrichie d’ouvrages rapportés des campagnes militaires et des confiscations religieuses et nobiliaires.

Prenons la rue Saint-Jacques pour rejoindre l’abbaye du Val de Grâce qui a été transformée en hôpital militaire, en 1796. Par la rue du Val de Grâce ouverte en 1805, allons jusqu’à la fontaine des Quatre Parties du Monde ou fontaine de l’Observatoire réalisée, en 1867, par Davioud un des architectes du Baron Haussmann dans la perspective voulu par Napoléon entre le Palais du Luxembourg et l’Observatoire. Lorsqu’il était au Palais du Luxembourg, le premier Consul a fait redessiner les jardins et voulait inscrire cette perspective. Anciennement « rue de la Pépinière » puis « avenue du Luxembourg », un décret impérial du 20 juin 1807 décide de l’ouverture de l’avenue de l’Observatoire à partir de l’Observatoire de Paris dans l’axe du méridien de Paris sur les terrains de la Chartreuse de Paris qui a été démolie de 1796 à 1800. 

Lorsqu’il est au Luxembourg en 1799, Napoléon Bonaparte pense créer une belle perspective jusqu’à l’Observatoire

Nous arrêterons là cette promenade. Il reste beaucoup d’autres choses à redécouvrir. La vidéo qui suit illustrera une partie de cette balade et vous donnera d’autres idées pour d’autres promenades.

Voici quelques pistes de documentation : 
www.NAPOLEON.org
www.institutdefrance.fr
Les volumes annuels des célébrations nationales de 1989 à 2010
La coupole de l’institut de France, Article du chancelier de l’Institut de France, François Albert-Buisson, in Revue des deux mondes, 15 avril 1960
Une vie de Paris, de Marcel Poète, 1925

Pour d’autres promenades en concordance avec ce thème les Nautes de Paris vous proposent leurs livres :
Paris, d’un passage à l’autre, avec la visite du passage des Panoramas (1799) et celui du Caire, souvenir de la campagne d’Egypte.
Paris d’un mur à l’autre, pour retrouver l’histoire du bassin de la Villette qui a permis d’alimenter Paris en eau potable à partir de 1808.

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