Audition contradictoire du lundi 16 septembre 2019. Emmanuel Pierrat le conservateur du Musée du Barreau de Paris animait la première rencontre de la rentrée sur le thème : « Justice 2019 : regards croisés avocats-magistrats ».
Les avocats manifestaient ce jour là avec des professionnels des soins et du transport aérien, d’Opéra à Bastille, pour préserver leur système autonome de retraite. Les invités de cette nouvelle rencontre y étaient et ont pu en préambule faire un point sur cette manifestation qui posait la question de l’avenir de leur profession et la volonté de garder leur indépendance.
Les deux avocats auteurs de la préface de : Paroles de palais de Justice, les meilleures citations d’avocats et de magistrats de Sébastien Bissardon, Kami Haeri et Laure Heinich étaient face au magistrat honoraire Serge Portelli pour son livre : Qui suis-je pour juger l’autre ?
Répondant à Emmanuel Pierrat désireux de faire un point sur les événements de la journée, Kami Haeri a souligné, en introduction à cette nouvelle audition, la préoccupation majeure d’un tiers de la profession qui a manifesté pour conserver « l’indépendance de notre profession… la solidarité au quotidien… avec les comparutions immédiates, les consultations gratuites… pour les libertés publiques, les droits… afin d’éviter la pression des pouvoirs publics. »
A l’heure où les avocats invités, d’une audition contradictoire à l’autre au Musée du Barreau de Paris, reviennent sur cette notion sensible de la distance de plus en plus grande qui s’installe entre les avocats et les magistrats, nous voici face à un magistrat honoraire qui a choisi de devenir avocat.
le 25 septembre 2019
Serge Portelli n’est plus magistrat depuis un an : « J’ai l’impression d’avoir toujours été un peu avocat… A mes débuts de juge, j’ai été raide… J’ai tout appris à l’audience…
On a aucun moyen de savoir qui on a en face de soi… Il m’a fallu un demi siècle pour comprendre, un peu, celui que nous appelons le justiciable… J’ai appris à leur parler, à les écouter… Mais le juge a un devoir d’impartialité…
L’avocat peut aller jusqu’au bout de la compréhension, de la communion qui existe entre un avocat et son client… »
Pour l’avocate Laure Heinich, la relation avocat -magistrat est de plus en plus complexe. « Le nouveau palais de justice qui est dans l’air du temps met des barrières qui se glissent entre nous… Certains magistrats ont eu le sentiment d’être agressés… »
Quant à la relation avec son client, elle ne la voit pas de la même manière que Serge Portelli qui vient de quitter la magistrature : « Nous avons une plus value par rapport au magistrat. Je ne crois pas que nous soyons dans une communion avec celui que nous défendons, car il reste la distance de qui on est, et de cette parole pour lui qui n’est pas la sienne. Dès le début, il doit comprendre la place de chacun…
Au pénal, nous avons beaucoup de choses à réunir afin de transmettre tous les éléments au magistrat… Les magistrats ne semblent pas intéressés par ça… »
Les questions venant de l’assistance ont souligné cette distance entre les avocats et les magistrats issus d’un parcours d’excellence, la suppression annoncée de l’ENM (Ecole nationale de la magistrature), deux univers parallèles face à une vie judiciaire en mutation, avec la disparition des audiences « la médiation… le plaider coupable à la française venu des Etats-Unis… »
Les échanges se sont poursuivis lors des dédicaces.
A suivre la vidéo de l’intégrale de cette audition contradictoire
