Vie parisienne

La face cachée de Victor Hugo, Eros entre pudeur et excès

Antoine Gille commissaire de l'exposition, devant la "Nymphe enlevée par un faune" d'Alexandre Cabanel ; copie d'atelier exécutée par Charles Brun (Béziers, Musées de la Ville de Béziers).

Antoine Gille commissaire de l’exposition, devant la Nymphe enlevée par un faune d’Alexandre Cabanel ; copie d’atelier exécutée par Charles Brun (Béziers, Musées de la Ville de Béziers).

La Maison de Victor Hugo, place des Vosges, Paris 4e, a mis en scène, jusqu’au 21 février 2016 : « Eros Hugo, entre pudeur et excès », un parcours chronologique dans la vie et l’œuvre de l’écrivain qui est « pudeur quand il réserve à des publications posthumes les poèmes très sensuels écrits pour ses grands amours que furent Juliette Drouet, Léonie Biard et Blanche Lanvin. Pudeur également quand il s’interdit toute intrusion du côté de l’érotisme, fût-il littéraire, alors que le siècle tout autour de lui y verse abondamment. » souligne Vincent Gille, commissaire de l’exposition.

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De nombreuses gravures et petits dessins érotiques de ses congénères sont réunis ici. Hugo a dessiné des nus qui sont exposés.

Adepte du marivaudage, entre galanterie et plaisirs faciles, Victor Hugo est un homme de son siècle, du XIXe siècle, pourquoi serait-il si différent de ces congénères ? Son oeuvre ne se veut pas grivoise.

Il a une femme, des maîtresses, fréquente les coulisses des théâtres, séduit les jeunes femmes à son service, des prostituées, prend des notes, dessine des corps nus qu’il épie parfois avec ses jumelles.

La censure est forte. En cette période d’Orientalisme, les peintures et dessins de femmes nus sont baptisés odalisques, du nom des jeunes vierges enfermées dans les Harem. Les femmes sont couvertes de la tête aux pieds. Lorettes et courtisanes tarifient les parties du corps qu’elles dénudent.

Eve, en qui se confond Satan avec Dieu

L’image de la femme dans son œuvre et celle d’une victime de la concupiscence des hommes telle Fantine (Les Misérables). La femme déesse se retrouve face au désir non gérable du demi-dieu Eros. Car a-t-il écrit, « à l’instant, où la femme naquit, est morte l’innocence ». Eve est une pècheresse, une séductrice, « l’être en qui Satan avec Dieu se confond ». «cf. La femme, écrit en juin 1842 in « Toute la Lyre ».
Les femmes au XIXe siècle, n’ont toujours pas, malgré la Révolution proche, les mêmes droits que les hommes dont elles dépendent.

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Des gravures qui retiennent l’attention.

Il nous a transmis l’image d’un homme qui vit dans un monde entièrement possédé par le désir, ce que met en évidence cette exposition. Une dichotomie s’est opérée entre l’écrivain et l’homme. Il ne s’aventure pas dans des récits où ses héros feraient l’amour. Un souffle épique enveloppe son œuvre. Cet homme vit avec passion et donne vie, avec lyrisme, à des héros de la même trempe. L’amour passion non partagé, décrit par Hugo est tentation et violence (Notre Dame de Paris). L’amour partagé est pur ; l’écrivain ne peut donc pas décrire de scènes d’alcôves et garde ses distances (les Misérables).

Arnold Böcklin : Soir de Printemps, 1879, huile sur bois,en format 67,4 x 129,5 cm. (Budapest, Szépmüvészeti Museum@Szpüvészeti museum of fine arts).

Arnold Böcklin : Soir de Printemps, 1879, huile sur bois,en format 67,4 x 129,5 cm. (copyright : Budapest, Szépmüvészeti Museum@Szpüvészeti museum of fine arts).

Par contre, l’écrivain décrit le rut de la nature au printemps qui est sous l’influence d’une énergie cosmique, celle du satyre, du dieu Pan qui a inspiré ce Soir de Printemps, d’Arnold Böcklin.

Le commissaire de l’exposition nous rappelle qu’Hugo écrivait en 1876 : « Ce qu’on appelle passion, volupté, libertinage, débauche, n’est pas autre chose qu’une violence que nous fait la vie » Et d’ajouter : «  Cette violence touche à la fois aux passions de Victor Hugo qui fut un grand amoureux, et à sa sexualité, qu’on s’est complu à présenter comme frénétique. Elle touche à certaines qualités de son œuvre : la puissance, la générosité, le lyrisme. »

Le Satyre personnage central

Visite guidée, devant : Satyre et bacchante de James Pradier, réduction en marbre par E. Lequesne (galerie Univers du bronze).

Visite guidée, devant : Satyre et bacchante de James Pradier, réduction en marbre par E. Lequesne (galerie Univers du bronze).

Personnage central dans la Légende des Siècles, le Satyre est donc omniprésent tout au long de cette présentation.

Vincent Gille met en évidence qu’ « Il est aussi excès dans l’expression des passions hallucinées de Notre-Dame de Paris et de L’Homme qui rit. Excès quand il laisse libre cours à la force vitale qui est celle, agissante, chaotique, omniprésente, du dieu Eros. Une extraordinaire puissance porte l’œuvre de Hugo. »

Satyre et trois femmes, anonyme (collection Mony Vibescu)

Satyre et trois femmes, anonyme (collection Mony Vibescu).

Les œuvres présentées en parallèle, sculptures de Pradier, de Rodin, peintures de Böcklin, Cabanel, Chassériau, Corot, Courbet, dessins et gravures de Boulanger, Delacroix, Devéria, Ingres, Gavarni, Guys, Rops, des photos de Félix Moulin, de Vallou de Villeneuve…de Vivant Denon témoignent de la force de l’érotisme dans la création au 19ème siècle; Alors que, Victor Hugo ne s’est jamais placé sur ce terrain-là.

Votre parcours, une fois que vous aurez tout décrypté vous mènera vers ce "Victor Hugo", en plâtre, nu et assis. Un Hugo-satyre ivre de poésie ? Il s'agit d'une étude de Rodin pour le "Monument" avant 1909, conservé au Musée Rodin.

Votre parcours, une fois que vous aurez tout décrypté vous mènera vers ce « Victor Hugo », en plâtre, nu et assis. Un Hugo-satyre ivre de poésie! Il s’agit d’une étude de Rodin pour le « Monument » avant 1909, conservée au Musée Rodin.

A vous d’en juger !

Du mardi  de 10h à 18h, fermé le lundi. Tarif plein 7 euros, réduit : 5euros

 

Photos : Dominique Germond.

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