Vie parisienne

Claude Dubois, la nostalgie de son Paris

Les histoires qui se cachent derrière les mots imagés du langage populaire ont toujours passionné Claude Dubois. Son cœur balance entre le Titi parisien et Gavroche, entre le flux imagé de Céline et les argotiers du Balajo. Il garde la nostalgie du Paris populaire dont l’historien Louis Chevalier, son ami, a raconté « l’Assassinat », mais aussi du Paris mâtiné voyou de Marcantoni avec la boîte à frissons de Jo Privat.
Laissons le nous raconter sa ville. A la fin de cette première partie, une vidéo vous permettra d’entendre cet éternel conteur, amoureux de la rue, séduit par l’argot des Parigots…

Chroniques du Titi : octobre 1987-octobre 1990, tome 1, publiées en 2005.

Chroniques du Titi : octobre 1987-octobre 1990, tome 1, publiées en 2005.

Son Paris

Mon Paris, ce sont les premiers arrondissements. J’ai vécu toute ma vie près de l’Hôtel de Ville. Je suis né rue Rambuteau. Mon Paris a ses limites même si ce n’est pas un village. On marchait beaucoup quand j’étais enfant. Pour moi vers l’ouest, la limite c’était la rue de Rivoli. On allait aux magasins du Louvre voir les animations. On rejoignait le Palais Royal, la Concorde, La Madeleine. Après on reprenait par les grands boulevards ; Je n’en suis pas, mais c’était mon quartier. On revenait par, les Halles, Strasbourg-Saint-Denis ou La République. A l’est, quand je traversais la place de la Bastille je n’étais plus chez moi, sauf rue de Lappe, car plus tard je suis devenu l’historien du Balajo, à la Bastoche. Mais, le faubourg Saint-Antoine, la rue de Lyon, la rue de la Roquette en montant vers Voltaire, je ne suis pas chez moi. Au sud on fréquentait à l’époque le Boul’Mich jusqu’au Luxembourg. Mon Paris, ce sont les cinq premiers arrondissements. C’est sans doute pour ça que la fréquentation des quartiers voisins on fait que, j’ai gardé en moi cette notion de départ.
Maurice Chevalier, dans ses mémoires, raconte qu’il passait à l’Eldorado, boulevard de Strasbourg, ou au cinéma en face. Après le spectacle, Il allait par les boulevards avec les copains, jusqu’au Champs Elysées. Il raconte ses terrasses de café l’été et la vie la nuit… Mais, là il n’y plus de vie la nuit, les terrasses sont vides…

L’enfance
En 1947, je déclare que je veux aller à l’école. Alors je vais à la maternelle, dans l’ancienne maison de Jacques Cœur au 40 rue des Archives -où se rend Gavroche dans Les Misérables de Victor Hugo-, trois ans plus tard c’est la communale rue de Moussy. J’enchaîne prix d’honneur puis les prix d’excellence jusqu’en quatrième. Je passe le concours d’entrée en sixième. Le mot à définir était : abnégation, mon père craignait que je ne sache pas répondre. Mais, je suis reçu et me voici au Lycée Charlemagne… jusqu’en classe de philo.

En 1950-51, il y avait la mode du Coca-Cola que les Américains nous avaient apporté. On collectionnait les capsules, blanches avec les lettres rouge ou rouge avec des lettres blanches. On y mettait de la pâte à modeler et on faisait des circuits dans la cour de récréation. Il y avait aussi des petits personnages… Les cyclistes du Tour de France… Je constituais des équipes de trois et je jouais tout seul.

Sortie du métro : La Bastille, rue de lyon, le long de la gare de Vincennes, avant que ne soit construit l'Opéra-Bastille.

Sortie du métro : La Bastille, rue de Lyon, le long de la gare de Vincennes, avant que ne soit construit l’Opéra-Bastille.

Au début des années 50, j’avais six, sept ans. Les voitures étaient encore des vieilles Citroën Rosalie des années trente, des ancêtres de la Traction qui avait fait la guerre. Après sont arrivées les Aronde. En 1955, De Gaulle a apporté le changement, nous étions dans les Trente Glorieuses. En 1959, j’avais 15 ans, nous étions en pleine guerre d’Algérie.
J’ai été bon élève, mais au moment de choisir un métier, je n’ai pas su quoi faire. Ma mère voulait que je fasse Sciences Po., sans savoir ce que c’était. J’ai choisi la philosophie et j’ai fait ce que j’ai voulu, notamment des livres, des émissions de radios, du journalisme… à mes risques et périls…

Les femmes

J’ai toujours été obsédé par les femmes. Les Parisiennes ? Ça a existé ! La Parisienne c’était cette femme pimpante, futile, très élégante avec laquelle j’ai dansé le bop.
A Paris, je n’avais ni sœur ni cousine. Filles et garçons à l’école, nous étions séparés. Alors mes premiers contacts avec les filles ce fut pendant les vacances en Saône et Loire avec les filles qui étaient très belles.
C’était l’époque du film les Tricheurs (1958) ; les filles, c’était compliqué ; elles ne se protégeaient pas.
Alors à 16 ans et un mois, je me suis mis des grosses lunettes à la Ray Charles et je suis allé voir les prostituées, rue Saint-Denis ; cette première n’a pas été une réussite. Dans les années 60, il ya eu les vacances en Angleterre… puis sur la Costa Brava …avec les Hollandaises… on rentrait vers 3h du matin…
J’ai toujours eu une grande attirance, une curiosité pour les dames qui dans la rue attendent l’autobus sans jamais le prendre… Ces femmes qui marchaient sur les trottoirs me fascinaient… J’étais obsédé par la femme… pas uniquement pour le sexe… J’aimais les histoires. J’ai beaucoup aimé ma femme mais je n’ai pas été très fidèle…
Paris c’était la ville des hasards, ça ne l’est plus. Ces dernières années, on a créé des rues de rencontres comme dans le quatrième arrondissement derrière l’Hôtel de Ville.
Je défends la prostitution que j’ai connue. L’échangisme, les boîtes de partouze, ce n’est pas assez intime pour moi. Les gens veulent, maintenant, faire décomplexés. Le sexe est un mot américain, avant on disait l’amour, faire l’amour… J’ai été amoureux d’une prostituée, mais ce n’était pas réciproque… J’aurais aimé raconter son histoire… Mais ça ne s’est pas fait. On parle toujours des femmes qui sont brimées… Ce n’est pas ce qui ressort du livre des Goncourt que je lis en ce moment et qui nous fait revivre la vie parisienne au XIXe siècle. Je me souviens que ma grand-mère m’a semblé plus libre que ma mère…

A suivre
2e partie : Le Jazz – Saint-Michel/Saint-Germain – La chanson
3e partie et dernière partie: Le Balajo – L’argot – Sa nostalgie

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